Voyailes

A peine de retour du marathon de Lisbonne que je rêve déjà de revivre une telle émotion ! Pourtant j'ai couru pendant plus de 5 heures sous une température proche des 35°, avec une longue période d'ennui ... objectivement, pas de quoi faire rêver ! Mais voilà, passer la ligne de départ et d'arrivée de ce marathon a été une vraie rencontre avec moi-même ! Pas d'objectif de chrono, pas de volonté de surprendre l'autre ou de susciter l'admiration ... non, juste un défi personnel où la frontière entre le bonheur et l'euphorie est très facile à franchir. Un plaisir égoïste avec un taux d'endorphine au maximum qui nous fait voir la vie sous le meilleur angle.

Bref, dans un coin de ma tête j'ai rangé bien soigneusement l'idée de faire le marathon de Lac de Garde. En 2015, lors de notre escapade italienne, j'avais vu les panneaux indiquant cette manifestation pour le mois d'octobre ... et je m'étais dit que si je devais faire un marathon un jour, ça serait celui-ci. Pourtant, ça n'est pas le plus célèbre, ni le plus recherché. L'année dernière, seulement 89 femmes ont pris le départ de cette course ... Mais bon, comme un signe, cette année le marathon a lieu le 21 octobre 2018 ... la veille de mes 50 ans dans le pays de mes origines. Andiamo !

• Préparation physique ... et mentale !

A quelques mois de la course, tout semble encore confus et j'essaie de faire le bilan de mon marathon de Lisbonne pour choisir les meilleures options :

- Les points positifs :

Le plan d'entrainement a été varié et facile à suivre.
Le bonheur que procure cette épreuve est magique !

Aucune courbature ni coup de fatigue le lendemain, et les jours suivants ... (oui, oui !)

- Les points d'amélioration :

Je dois manifestement faire preuve de plus d'humilité et revoir ma vitesse à la baisse. J'ai eu la naïveté de penser : «qui peut le plus peut le moins», mais en réalité c'est plutôt «qui va piano, va sano, va lontano».

Me voilà donc à quelques semaines de ma préparation à envisager un objectif de temps réaliste. A force d'aller sur Internet et de discuter avec des marathoniens confirmés (ou pas), je suis un peu perdue. Lors de mes sorties longues au feeling, je cours naturellement à 10 km/h. et je fais du seuil à 12 km/h ... A peu près comme l'année dernière (sauf le seuil qui est un peu plus rapide) ... mais qui n'a pas porté ses fruits !

• Plan d'entrainement

Cliquez ici pour voir le plan

• La préparation :

Jeudi 16 août : voilà ma 3^ème séance bouclée ce matin juste et j'ai déjà l'impression d'en baver ... la sortie au seuil s'est faite sur un terrain légèrement vallonné et j'ai réussi à respecter l'allure ... mais non sans mal. L'année dernière cette séance s'était faite à une vitesse un peu supérieure. Est-ce le fait de vivre cette préparation en solo et de ne pas avoir l'émulation du groupe ? Réponse ce week-end pour ma sortie d'1h30 ...

Samedi 18 août : jambes un peu lourdes en fin de séance et sensations mitigées ... mais en comparant avec la même séance que l'année dernière je retrouve un peu d'optimisme. J'ai couru 4 secondes de moins au km (respectant ainsi ma vitesse marathon) avec un dénivelé de +160m. Pour varier les séances, j'ai fait le choix d'aller en direction de Veyrier avec quelques côtes casse-pattes ! Bon, bah finalement c'est pas si mal

Vendredi 7 septembre : compte-tenu de mon planning et de l'Ancilevienne qui se court dimanche j'ai fait ma sortie longue ce matin. Un aller-retour Marquisats / Duingt en 2 heures avec des conditions météo idéales ! Pour les sensations, c'est encore mitigé ... l'allure est respectée mais les 3 derniers kilomètres m'ont paru fastidieux. Je ne retrouve pas encore l'euphorie de l'année dernière et je n'arrive pas à savoir ce que cela présage. C'est vrai que la très mauvaise nouvelle du début de semaine, le coup de fil reçu pendant ma séance et une barre énergétique vraiment pas adaptée (j'ai cru que j'allais m'étouffer !) n'ont pas aidé !!! Je continue consciencieusement ... déjà 4 semaines et, pour ce point, je trouve que ça passe vite !

Samedi 15 septembre : mais quelle semaine ! c'est jeudi en allant sur Facebook que j'apprends que le marathon du lac de Garde est annulé et reporté au 28 octobre !!! Un truc de dingue !!! Je boucle ma 5^ème semaine de préparation et je ne veux pas avoir fait tout ça pour rien d'autant que le 28 octobre je ne suis pas disponible ... et puis qui dit que ça ne sera pas annulé le 28 ? La confiance n'est pas là ... Bref, il faut un plan B ... et c'est comme ça que je me retrouve inscrite sur le marathon de Reims ! Moins exotique comme destination, mais qui sait ? on aura peut-être droit à une coupette aux ravitos ...

Côté préparation, l'envie de courir revient. Je retrouve cette sensation des jambes qui démangent et ça me rassure. Ma sortie de 2h30 s'est relativement bien passée, mais, comme la semaine dernière les 3 derniers kms ont été looooongs ! La différence par rapport à l'année dernière c'est que je suis seule avec moi même : pas de pause pour remplir nos gourdes ou faire nos tests de compotes, barres et compagnie ... une sortie de 2h30, c'est 2h30 de course non stop ! Je cours à mon rythme, plus doucement et je me sens nettement moins fatiguée que l'année dernière. Le réservoir de confiance se remplit peu à peu

 
Samedi 22 septembre : le compte à rebours est lancé ! Dans un mois je saurai si ma prépa est bonne. Cette semaine je sens que j'ai la forme physique et mon semi de ce matin (couru à la sensation en 2h06) conforte cette sensation. J'avoue que d'être accompagnée par Laurence m'a aidée psychologiquement (c'est quand même moins long quand on blablate  !). Plus que 2 grosses semaines et après c'est relach' jusqu'au jour J. You know what ? I'm happy !

Vendredi 5 octobre : arrrggghhh ... qu'elle a été dure cette dernière sortie longue ! Comme après mon semi et ma sortie de 2h30 de la semaine dernière je me sentais toujours en forme, j'ai voulu aller un peu plus loin dans l'entrainement. L'avantage avec Internet c'est qu'on y trouve un tas d'idées pour ça ... la sortie longue en progression, la sortie longue à la Tergat, l'entrainement croisé, bi-quotidien ... bref, pour cette sortie finale j'ai choisi la sortie longue avec variations d'allures. 8 km d'échauffement puis 3 X 4000m à allure semi + 1000m de récup'. Ça permet de se mettre dans les mêmes conditions qu'en fin de marathon ... je confirme ! La fin du 22^ème a été une épreuve ... Au final 24 km en 2h30 (comme la semaine dernière mais avec du lactique en + !).

Maintenant les dés sont jetés, et on verra si ce type d'entrainement paye et si ça permet de faire reculer le moment où les jambes se demandent pourquoi on leur inflige un tel supplice ! Week-end prochain, je vais faire un copier / coller de ma  1^ère sortie longue pour comparer et mesurer les progrès ...

Jeudi 18 octobre : J-3 ... samedi j'ai pu comparer mes 2 sorties d'1h30 (celle qui ouvre les festivités de la prépa et celle qui clôture ces 10 semaines). Résultat : exactement le même nombre de kms mais pas du tout le même profil de course. Je suis partie plus lentement et j'ai naturellement (et progressivement) augmenté ma vitesse ... ce qui me convient tout à fait ! Cette semaine je fais du jus et j'ai (enfin !) une ÉNORME envie de courir. La boule au ventre, les jambes impatientes, les questions qui se bousculent ... j'ai le trouillomètre au max et l'envie d'en découdre au plus vite ... quelle étrange période cette semaine qui précède la course !!!

• La Course :

Ce samedi, veille de la course, j'ai la boule au ventre et les jambes chancelantes ... un bon stress d'avant marathon !!!

Dimanche, je crois que ça va mieux ... mais non ! Comme l'année dernière je suis prise par l'émotion du départ. La différence c'est le bruit : on part en même temps que le semi et ce n'est pas vraiment la même concentration.

3, 2, 1 ... c'est parti ! 10 km dans les rues de Reims à allure escargot. Il fait froid ... je claque des dents ! Au KM 10, le semi et le marathon se séparent et je me retrouve ... SEULE !!! Quelle sensation !!! Une femme me rassure : il y a du monde devant (ça oui, je m'en doutais !) et derrière (ouf !). Je commence gentiment à prendre mon allure de croisière, mais je ne m'affole pas, ça commence déjà à grimper !

Je rattrape une coureuse, puis une autre et encore une autre ... j'ai les jambes qui sautillent dans les côtes, je me sens bien ! Sur le parcours, il y a des orchestres et du monde pour nous encourager : ça me donne le sourire ! Au 20^ème je rejoins 2 coureurs : «Alors messieurs, on fait son footing matinal ?» ... ils éclatent de rire. On discute un peu, puis je file. On passe le semi, je me sens toujours aussi bien malgré le dénivelé. Un des 2 coureurs rattrapés plus tôt me dépasse après le semi : «Vous allez l'air en forme, vous pouvez faire un négative split !» ... Tiens, j'en suis où au niveau du temps ??? Bof bof, ça doit pas être top, mais je me sens tellement bien que je m'en fiche  Je pense à regarder les paysages, à profiter de l'ambiance, à remercier les bénévoles ... je me sens en pleine capacité de mes moyens !

Je gère au feeling et j'attends la montée qui va nous mener au 26^ème . Au loin je vois un long ruban blanc qui traverse les vignes et des coureurs qui marchent ... beaucoup de coureurs ! Je redresse les épaules et je double ... rien de tel pour le moral ! Au sommet, j'ai la banane de la fille qui a déjà réussi son marathon. Maintenant ça descend et je suis ivre (non, ce ne sont pas les vapeurs de Champagne !). Je réalise que je me sens VRAIMENT bien ... c'est une incroyable sensation. Je jette un oeil à ma montre : 11km/h. ! Je profite de l'instant et je double encore ... 28^ème on retrouve le goudron et les passages de pont.

Panneau du 30^ème ... on dit que c'est maintenant que la course commence. Je m'attends à un coup de moins bien ... mais RIEN. Je continue de dérouler. Plus que 10 kms. Dans ma tête je me mets en mode récup'. Je me relâche et je double encore des coureurs qui commencent à souffrir souffrent. Je suis surprise de me sentir encore aussi fraîche ! 

Au 35^ème, je demande à un bénévole de remplir ma gourde (au 25ème, le bouchon m'a échappé et je me retrouvée à 4 pattes sous la table !). Je sautille sur place pour ne pas figer les muscles, ce qui fait rire tout le monde. «Je ne m'arrête pas, j'ai un marathon à finir !». Et je repars. Je double un coureur qui était devant moi quelques kms plus tôt. «Vous êtes en forme !» ... J'avoue ! Je suis moi-même surprise.

Au km 39, c'est ma montre qui se prend le mur  game over ! Après cette longue balade au bord du canal, on retrouve la ville. Devant, je vois un gars avec qui j'avais discuté dans le SAS de départ «Eh Francky !». La tête du mec à ce moment là ! «Vous êtes déjà là ??? Vous avez l'air en forme ???» ... «Franchement ? J'ai une patate !». Et c'est là qu'Anthony arrive : «Plus qu'1km maman» ... Comment ça 1km ? Waouh, j'ai zappé le panneau 40 et, devant moi, c'est (déjà) le 41 qui est affiché. Ah que c'est bon ce moment où on voit la ligne d'arrivée ! De nouveau, je suis prise par l'émotion ... je viens de vivre un marathon de rêve !!!

2h22 pour le 1^er semi, 2h16 pour le 2^ème ... aucune souffrance, lucide de bout en bout avec le sentiment d'avoir pris le temps de profiter de cette balade dans les vignobles Champenois ! Une coupe de Champagne à l'arrivée, une autre pour fêter ça en famille et place à la récup' !!!