Voyailes

1^ère étape : vaincre ses peurs !

Plus que 42 km ... c'est la pensée que j'ai à chaque fois que je démarre un footing ... et c'est certainement ce que je dirai quand je prendrai le départ du marathon de Lisbonne le 15 octobre 2017.

Toute cette aventure germe depuis longtemps ... En 2015, quand j'ai vu les copines revenir du marathon de Berlin avec des étoiles dans les yeux je me suis dit que j'aimerais aussi vivre ça. Puis en 2016, le bonheur de celles qui venaient de finir leur 1^er marathon à Amsterdam n'a fait que renforcer cette envie de tenter cette distance mythique.

Bien sûr, 42 km c'est long, c'est l'inconnu et ça fait peur ... En suis-je capable ? Ai-je le mental et le physique pour ça ? Puis un copain m'a dit «tant que tu n'as pas essayé tu ne peux pas savoir ...». Logique implacable !

C'est donc décidé ... en janvier je prends les billets d'avion, je réserve un appartement. En mars, je valide mon inscription ... les dés sont jetés !

2^ème étape : se préparer ...

Mardi 8 août : Ça y est ! On a beau y penser pendant des semaines, quand le JOUR J arrive on vit une émotion particulière. Impossible de reculer : c'est écrit sur notre plan, les entrainements commencent ce soir ! Après un hiver sur les skis, quelques sorties longues au bord du lac (afin de se préparer mentalement) et les 10 km de Thônes c'est le grand retour sur le stade Chavanod.

Il a plu des seaux d'eau toute la journée mais, comme un signe, le soleil vient éclairer ce 1^er entrainement. C'est parti pour 10 semaines de préparation !!!

J'ai programmé ma montre pour faire ces 16 * 200m et j'avoue que, même si on en a ch*** sa r***, ça nous a permis de travailler en précision ! Impossible de rogner sur la distance en se mettant à la corde ou sur le temps de récup' (qui semble toujours trop court). Par contre on a eu beaucoup de mal à respecter les 105% de VMA ... on va mettre ça sur le terrain rendu trop lourd par les pluies diluviennes de la journée ...

Mardi 22 août : 2 semaines que nous avons débuté la préparation et les sensations sont bonnes (malgré une légère douleur à l'articulation cuisse / hanche comme un nerf qui coince ... je reste attentive). Les accélérations à vitesse semi sont au-delà de mes espérances et les sorties longues sont agréables. Je suis dans la zone «plaisir» tout en me gardant bien de ne pas passer en zone «euphorie». Je respecte scrupuleusement les séances sans en faire plus ... 45' de footing c'est 45' ... pas 44' ou 46' ! Je suis devenue une extrémiste du respect du temps ! ...

Samedi 9 septembre : 23 km en 2h26 ... une sortie longue ce matin sous une pluie battante qui marque exactement la moitié de notre préparation. La semaine prochaine c'est «cool» et j'avoue que ça arrive à pic. Dimanche dernier, les 19 km étaient passés vraiment facilement mais depuis la sortie de jeudi je sens que les kms s'accumulent ... et la petite sieste du début de l'après-midi n'était pas de trop !

Sinon, le programme est suivi scrupuleusement ... pour ne pas dire scolairement ! Repos, massages, étirements viennent compléter le planning et j'évite soigneusement les bouteilles de champagne qui pourraient venir me narguer ... dur la vie de sportive ;-)

Dimanche 1^er octobre : J-14 ... nous n'avons jamais été aussi proche du D. Day ! Cette semaine a été marquée par des séances particulièrement agréables.

Mardi, ma sortie s'est déroulée dans le magnifique golfe du Morbihan. 12 km en surplomb de la mer dans un paysage sauvage à souhait. 12 km sur un terrain varié ! du sable, des rochers, des escaliers, des descentes (qu'il faut remonter !) ... et une envie de courir toujours intacte ... le bonheur tout simplement.

Mercredi, notre footing de récupération se passe au stade d'Annecy pour « Annecy court pour Handisport » ... un joli moment partagé avec quelques escargots ... j'ai toujours aimé courir utile : les kms paraissent encore plus courts !

Jeudi nous retrouvons le «groupe foncier» de la LRDC et c'est sympa de courir à nouveau sur les chemins de Chavanod en blablatant. Je suis même surprise de la facilité à avaler certaines côtes ... preuve que, malgré nos longues sorties sur terrain plat, nous sommes en forme ! Cette semaine, je sens que je suis à la frontière entre «bonheur» et «euphorie» ... je dois contrôler certaines émotions ♥

Enfin ce dimanche c'est notre dernière looooongue sortie qui se passe à merveille. Presque 25 km et au check final tout semble fonctionner correctement. Maintenant les dés sont jetés ... j'ai suivi la préparation à la lettre et bien que mon allure marathon est sans doute supérieure à ce que je pourrai tenir le jour J. je sens que le corps accepte. J'ai fait le plein de confiance ... je suis consciente que tout est possible mais aussi que tout peut virer au cauchemar. Il reste 2 semaines pour «faire du jus» et emmagasiner un maximum de fraîcheur. Dans 15 jours je serai fixée sur la qualité de ma préparation !

Jeudi 12 octobre : ça y est, ce matin j'ai fait ma dernière séance à allure ... J'ai perdu quelques neurones ces dernières semaines et je suis dans un état psychologique indéfinissable. Partagée entre l'excitation et l'angoisse, je passe de l'enthousiasme à l'anxiété en quelques minutes. Je visualise la ligne d'arrivée, j'essaie de penser aux moments difficiles (il parait qu'il y en a ...), j'imagine beaucoup de choses ... mais certainement pas ce qu'il va se passer. L'euphorie est tombée, et mon réservoir qui débordait de confiance doit avoir une fuite. Je me rassure en me disant que je n'ai aucun reproche à me faire. La préparation a été suivie fidèlement : aucune impasse, aucune excuse quelque-soit le temps ... J'ai regardé la météo pour me préparer à souffrir (à quel point ?) : 30° et du vent SE (c'est-à-dire latéral / face ...). Je fais et refais mon fichier xls avec mes temps de passage que je revoie sans cesse à la baisse (preuve que la confiance n'est plus tout à fait là). Mais je n'ai qu'un seul objectif en tête : FINIR !

Laurence est passée ce matin, ça fait du bien de partager ses émotions. On a aussi parlé valise, équipement, bouffe ... ça aussi ça me rassure ... on n'a pas oublié nos fondamentaux !

Programme d'entrainement sur 10 semaines.

3^ème étape : FINIR !

Samedi, après 2 heures d'attente sous un soleil de plomb les dossards sont enfin récupérés et je peux vous dire que cette épreuve a été presque plus difficile que le marathon en lui-même !!!

Dimanche 15 octobre : Compte tenu de l'organisation constatée hier, nous avons préféré prendre un taxi pour nous rendre au départ de la course. Nous longeons le littoral que nous remonterons tout à l'heure en courant, ce qui nous permet de constater que c'est loin d'être plat ;-)

8h. on se place dans la zone de départ (c'est marrant, ça ressemble plus à la course du village qu'à un départ marathon !). J'ai l'impression d'être dans un rêve et l'émotion monte ... je verse ma petite larme avant de passer l'arche : je suis HEU-REUSE d'être ici !

La 1^ère boucle de 12 km est très belle. Le temps est moite, les jambes ne sont pas vraiment légères mais le paysage et le silence sont envoutants. J'essaie de réaliser que je pars pour 42 km ... Il fait déjà chaud et je me concentre pour économiser mon énergie.

Vers le 15^ème on grimpe la 1^ère rampe et je vois déjà des coureurs qui marchent. Jusqu'au 23^ème le temps passe assez vite ... enfin je relativise car je n'ai jamais mis autant de temps pour faire un semi ! (je suis au max de l'économie d'énergie :-)). Tous les 5 km je m'alimente, j'attrape une bouteille d'eau : une gorgée pour faire passer le  gel et le reste sur la tête pour faire baisser la température ... ça cogne !!!

23 km : d'un coup je suis envahie par la lassitude ! Déjà ??? Je n'ai mal nulle part, mais la tête n'est plus là ... A ce moment, je réalise que la moitié est passée mais qu'il en reste presque autant devant ;-( pffff ... je double des coureurs qui étirent leurs crampes, des camions de pompiers qui emmènent ceux qui ont pris un coup de chaud. Il faut rester concentrée pour ne pas se laisser embarquer sur la même voie !!! Je ne me souviens avoir coché l'option « abandon », donc aucune question à se poser !

Le panneau des 30 km est là, et le sourire revient ! Je suis fière d'être là ! Je peux lancer le compte à rebours, la ligne d'arrivée est plus proche que la ligne de départ et psychologiquement ça change tout. Le monde m'appartient, je me sens forte - on ne s'emballe pas trop quand même ;-) - Je n'ai qu'un objectif c'est finir, et je n'ai pas de doute : ça va le faire ! Je fais mon check : tout va bien ! Pas de crampes, pas de douleur, pas de coup de chaud. Tous les voyants sont au vert, il ne reste plus qu'à gérer. Je continue ma routine A.H.D. : Alimentation, Hydratation, Douche.

Tiens ? C'est bizarre, je double un Kenyan (dossard n°2) et j'ai envie de lui dire : « alors, on cale ? ». Je sens que je suis au top de mon humour ;-). Bon, pas de panique, il est juste en récup' le jeune homme ... ça calme hein ?

Les derniers kilomètres sont monotones. Nous longeons la voie de chemin de fer dans la zone industrielle. Au 35^ème j'ai envie d'appeler les copines pour leur dire « attendez-moi, j'arrive ! ». La chaleur est écrasante et les quelques touristes qui se trouvent là doivent nous prendre pour des masos de se faire mal comme ça alors qu'en bus c'est quand même plus cool !!!

Sur ma gauche je reconnais la petite pâtisserie où nous avons mangé un Pastéis le jour de notre arrivée ... la gare Cais do Sodre à droite, les pavés de Lisbonne, un virage à droite, un autre à gauche ... je suis lucide et je regarde si les copines sont là ...

La 1^ère arche, encore un virage à gauche, 3 arches (?), un virage à droite puis à gauche et enfin à quelques mètres elle est là, comme dans un rêve, presque irréelle ... c'est tellement bon ce moment où on va franchir la ligne d'arrivée !!! le temps s'arrête, je veux savourer, me souvenir, me lâcher, exploser et crier :

« JE L' AI FAIT !!! »

Je suis HEU-REUSE !!! Je suis dans l'euphorie d'un rêve qui se réalise. C'est trop boooooooon ! Je n'oublie pas d'arrêter ma montre (c'est marrant ce réflexe qu'on a tous ;-)). Plus de 5 heures de course soit 9 € de l'heure (presque le même prix que le taxi avec le bonheur en plus !).

Et vous allez me dire « c'est maintenant que tu vas en ch....». Et bien même pas ! Pas une courbature, pas un bobo ... oui, je n'ai pas tout donné, mais j'ai PRO-FI-TÉ ! Et le plus difficile aura été d'enlever la croute de sel que j'avais sur le visage :-)

Mon bilan : j'ai A-DO-RÉ !

J'ai adoré le moment et j'ai cliqué sur le bouton « VALIDATION » pour l'inscription,

J'ai adoré la préparation où chaque semaine on court encore plus loin,

J'ai adoré le mélange des émotions où l'angoisse de l'inconnu se mêle au bonheur de la découverte,

J'ai adoré le plat de pâtes de la veille qu'on engloutit comme si c'était le repas du condamné,

J'ai adoré me retrouver dans l'aire de départ,

J'ai adoré battre mon record de temps de course,

J'ai adoré battre mon record du nombre de kilomètres,

J'ai adoré passer la ligne d'arrivée,

J'ai adoré partager tout ça avec les copines !